Vendredi 30 septembre 2022
Edito
Laurent Flutsch
La démocratie, oui ou non ?
Les femmes, premières concernées de toute évidence par un recul de leur droit à la retraite, alors qu’en matière de salaires et donc de pension l’inégalité perdure en toute illégalité, ont majoritairement voté non ; c’est oui.
Notoirement plus attachés à l’idée d’Etat solidaire que leurs cousins germains, les Latins romands et tessinois ont clairement refusé la réforme libérale de l’AVS en exprimant en moyenne pas moins de 60 % de non ; c’est oui.
Les communes les moins riches, celles où la précarité réclame un filet social qu’il faudra renforcer encore avec le recul de la retraite pour les femmes, se sont logiquement et largement prononcées pour le non ; c’est oui. Les grandes villes alémaniques de Berne, Bâle et Zurich ont dit non ; c’est oui. Et en s’abstenant d’user du droit de vote, la moitié des citoyens du pays a opté pour le ni oui ni non.
La gauche, Parti socialiste en tête, défendait avec force le non, mais un ministre officiellement « socialiste » ainsi qu’un haut fonctionnaire « socialiste » dirigeant l’Office fédéral des assurances sociales prônaient le oui. Si Alain Berset et Stéphane Rossini avaient, au gré d’une fugace réminiscence de leur sensibilité politique, relayé avec moins de zèle le discours collégial et fédéral, peut-être bien que le oui ne l’aurait pas emporté. Non ?
Alors même qu’une forte majorité des citoyens romands a voté non, les élus de la droite romande jubilent en se félicitant de la victoire du oui. Pourtant, le principe de base en démocratie n’est-il pas que les élus représentent leur région et leur électorat ? Oui mais non, semble-t-il.
Qu’importe après tout, car l’essentiel demeure : la Suisse pratique un système unique de démocratie directe, que le monde entier nous envie et qui constitue un très estimable titre de gloire. Surtout si on est un homme, qu’on vit dans une commune riche et qu’on est suisse allemand.