Vendredi 2 décembre 2022
Edito
Stéphane Babey
Bienvenue dans la Suisse des perdants !
Alors que le mensuel Bilan publie fièrement son numéro annuel sur les 300 Suisses les plus riches, on s’est dit à Vigousse qu’il n’y avait pas de raison de ne célébrer que les nantis. Après tout, il y a dans notre pays (et c’est vrai partout dans le monde) bien davantage de misérables que de milliardaires. Les démunis représentent donc une part bien plus importante de l’identité helvétique que les possédants.
Mais choisir les 300 plus pauvres était une tâche bien trop ardue. D’autant qu’ils se présentent sous un nombre de formes incalculable. Du SDF au working poor, du crève-la-dalle à la retraitée nourrie à la bouffe pour chat, du toxico au père divorcé enseveli sous les pensions alimentaires, il y en a pour tous les goûts ! C’est pourquoi nous avons choisi le chiffre arbitraire de 3 millions de pauvres. C’est plus que les chiffres officiels, mais vu l’évolution de la répartition des richesses, qui concentre toujours plus d’argent chez toujours moins d’heureux élus, et les conséquences de la crise actuelle, on peut prédire que nous y serons bientôt.
Et puis, en mettant la barre un peu haut, quasiment chaque lecteur pourra se dire qu’il fait partie de la liste et sera content. Une démarche importante pour Vigousse, qui se veut un journal inclusif pour tous les couillons qui ne roulent pas sur l’or. Ce n’est pas que nous avons la fibre sociale, mais si nous avions décidé de publier un hebdomadaire pour les gens pétés de thunes, le lectorat serait nettement plus réduit !
En tout cas, que vous soyez déjà sur la paille ou que vous soyez un futur pauvre qui s’ignore, nous espérons que vous apprécierez la plongée dans la Suisse qui perd que nous vous proposons cette semaine. On a trop tartiné sur les winners et leur état d’esprit conquérant. On a bien plus à apprendre des losers, d’autant que leurs enseignements seront réellement utiles à la majorité d’entre nous un jour ou l’autre.