Pas d’échappement

Les études menées par la firme ExxonMobil avaient prédit avec précision, dès 1977, le réchauffement climatique lié à la combustion des hydrocarbures : c’est ce que montre un travail de recherche publié dans Science le 12 janvier. Aussitôt, la presse d’ici et d’ailleurs a tartiné sur le sujet. Les preux journalistes ont conclu, sagaces, que la multinationale pétrolière a délibérément menti pendant près d’un demi-siècle, en contestant la réalité du problème et en taisant, voire en désavouant les conclusions de ses propres experts. Et ce par pur cynisme, pour ne pas compromettre son chiffre d’affaires. Allons donc ! Mais quelle surprise !

Ayant dûment et vertueusement évoqué cette histoire, les professionnels de l’information changent de sujet, traitant de sport, du prince Harry, de politicailleries, de guerres, de courbes économiques, entre deux juteuses réclames pour des voitures ou des compagnies aériennes.

Il y a cinquante ans que les climatologues et les écologistes tirent la sonnette d’alarme. Mais on vit dans un monde où les décideurs n’écoutent pas vraiment les scientifiques, obnubilés qu’ils sont par les chiffres de la croissance et de leur cote électorale. Un monde où les lobbys industriels pèsent bien plus que les chercheurs et autres empêcheurs de danser en ronds : si on avance et qu’ils reculent, comment veut-on que l’on spécule ?

C’est un monde où le marché est roi et la consommation reine. Un monde où la qualité de vie est indexée sur le pouvoir d’achat. Un monde de publicité, d’instantanéité, de fausseté qui estompent la réalité et dissolvent la vérité. C’est donc un monde où l’urgence et le danger avérés, le désastre climatique, le saccage des écosystèmes, l’effondrement de la biodiversité, avec leurs lourdes conséquences humaines, ne changent pas les priorités. Un monde qui dès lors fonce dans le mur. Parce que c’est un monde déraisonnable où tout se vaut, mais où rien ne vaut le profit.