
Vendredi 3 février 2023
Edito

Stéphane Babey
La Suisse est déjà en guerre
Alors que les pays de l’OTAN commencent à décider l’envoi de tanks pour soutenir l’Ukraine, un nombre grandissant de voix en Suisse s’interroge sur l’opportunité de maintenir l’interdiction de réexportation d’armes helvétiques qui bloque la livraison de munitions au pays attaqué. Des élus ont même proposé que nos vieux Léopard qui prennent la poussière soient revendus à des pays amis pour remplacer les blindés qu’ils fourniront à Zelensky. Et la diplomatie russe s’étrangle d’indignation.
Cela soulève deux questions primordiales. Est-ce que fournir un belligérant ne risque pas de concourir à une escalade de la guerre ? Et comment la Suisse peut-elle rester neutre face à la Russie ? Or ces deux questions sont déjà complètement dépassées. Poutine y a répondu à notre place. La Suisse, comme le reste du monde, est en guerre. Une guerre contre la démocratie déclarée par la Russie il y a déjà longtemps et dont on subit les effets de plein fouet sans toujours réaliser d’où viennent les attaques. Est-ce que vous avez parlé récemment avec un antivax ? Il y a toutes les chances que vous découvriez qu’il est devenu aussi prorusse. Ça n’a rien d’étonnant. Depuis des années, la propagande complotiste, trumpiste, bolsonariste, antivax etc. transite par des canaux opérés en sous-main par la Russie. Au plus fort de la pandémie, chaque fois qu’un lecteur mécontent de notre traitement du sujet nous interpellait, il nous envoyait en référence des articles trouvés sur Russia Today ou Sputnik, des sites du Kremlin.
Ce n’est pas un secret : Poutine finance l’extrême droite et les populistes un peu partout dans le monde, sème la désinformation et le chaos sur internet, dans l’espoir que les démocraties affaiblies le laissent agir à sa guise. Il a déclaré la guerre de l’information à toute la planète. Alors les cris d’orfraie du vieux mafieux russe quand la Suisse se tâte pour savoir si elle va soutenir l’Ukraine, on peut sans autre les évacuer du débat !