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Numéro 570

Vendredi 17 mars 2023

Edito

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Laurent Flutsch

Sirènes

Les Suisses veulent des centrales nucléaires, claironne en substance la presse de cette semaine. Motif : selon un sondage du Blick, 55 % des gens sont contre l’arrêt des actuelles installations d’ici 2037, et 56 % seraient pour de nouveaux réacteurs. On présume que les chiffres seraient différents si la question avait été « êtes-vous favorable à une centrale nucléaire pas loin de chez vous ? », mais admettons : les Suisses rêvent désormais de marmites atomiques.

Le souvenir de Tchernobyl et Fukushima, sans parler d’autres désastres évités de justesse comme à Zaporija dernièrement, s’estompe vite et la peur de manquer de jus semble l’emporter, mais les réalités demeurent. En vrac et entre autres : les quatre casseroles nucléaires suisses toujours en service sont des antiquités âgées de 39 à 54 ans, et elles ne sont pas rentables. Elles couvrent 30 % des besoins : la seule énergie solaire pourrait y subvenir, pour peu qu’on investisse résolument. Leur démantèlement implique des coûts astronomiques, tout comme l’enfouissement des détritus, par ailleurs problématique. Il n’y a pas d’uranium en Suisse. Si les réacteurs sont peu polluants, leur construction, de même que l’extraction, la transformation et le transport du combustible, et enfin les déchets, le sont énormément.

En France, le tout-nucléaire n’évite pas les soucis : la moitié des centrales est à l’arrêt pour cause de maintenance, de défaillances ou de bas niveau des cours d’eau nécessaires au refroidissement. Ça ne va pas s’améliorer.

Enfin et surtout, créer un danger mortel pendant 100 000 ans, durée que nul ne peut maîtriser, est une aberration historique et philosophique. Ça ne se fait pas. Mais le lobby atomique et l’UDC n’en entonnent pas moins la berceuse qui, trompeusement, présente de nouvelles centrales comme la panacée. Ecouter ce chant des sirènes exposerait au risque d’entendre, un mauvais jour ou l’autre, le son des sirènes.

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