
Vendredi 12 mai 2023
Edito

Stéphane Babey
L’ours dansant
C’est étrange, quand même, cet intérêt pour la famille royale britannique. On peut comprendre les sujets de Sa Majesté, puisqu’ils sont directement concernés. Même si leur souverain n’a aucun pouvoir décisionnaire et qu’il n’est là qu’en tant que symbole de l’unité du pays. On peut aussi comprendre les habitants des pays du Commonwealth (2,4 milliards de personnes, quand même), liés à l’Angleterre, et dont certains ont aussi pour souverain Charles III. Mais tous les autres, pourquoi se passionnent-ils pour ce couronnement ?
Eh bien parce que la monarchie constitutionnelle, c’est un peu comme le zoo. Au zoo, on va voir des animaux sauvages, comme le fier lion, l’impitoyable tigre du Bengale, le formidable gorille, qui pourraient nous déchiqueter en moins de deux dans la nature, mais qui sont rendus inoffensifs par les grillages. Le souverain absolu de droit divin, une fois enfermé dans la cage d’un système monarchique constitutionnel, peut continuer à rugir pour la galerie, mais il n’effraie plus personne. On a tout loisir de lui faire des grimaces à travers les barreaux, il ne peut pas nous emprisonner arbitrairement à vie ou nous couper la tête selon son bon plaisir. Le roi d’Angleterre n’est rien de plus qu’un ours dansant à qui l’on a retiré les griffes et limé les dents.
Pour les personnes vivant en démocratie, c’est une curiosité de pouvoir approcher ainsi un dangereux prédateur autocratique. Cela nous rappelle qu’il en existe encore plein de spécimens en liberté dans la nature, et qu’il faut donc être prudent. Accessoirement, cela nous permet d’étudier les mœurs distrayantes de ces animaux bizarres. Et si cela distrait les foules, c’est toujours ça de pris.