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Numéro 650

Vendredi 31 janvier

Edito

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Laurent Flutsch

La raison nous brise les noix

Problème d’arithmétique élémentaire : trois naufragés sont échoués sur un îlot désert, avec pour seules ressources un grand couteau, l’eau de pluie et les fruits de onze cocotiers adultes qui ont poussé là. Sachant que chaque cocotier laisse tomber des noix en toute saison à raison de 100 par année en moyenne, quel est le nombre annuel de noix disponibles ? Mais oui, 1100. Soit combien de fruits par rescapé ? Bravo : 366,666 noix de coco par an et par personne. Donc combien par jour pour chacun ? Excellente réponse, une noix par jour pour chaque rescapé, avec un peu de rab pour faire germer de futurs cocotiers. C’est ainsi que la survie commune peut être assurée, c’est logique et ce n’est pas bien compliqué.

Question subsidiaire : l’un des naufragés, plus goulu et plus costaud que les autres (c’est lui qui détient le couteau), bâfre égoïstement trois noix de coco par jour. Et pour s’accaparer d’un coup leurs noix mûres, il abat des cocotiers. Comment qualifier cet individu ? Exact : c’est un sombre abruti. Et suicidaire avec ça, car tous inéluctablement finiront par crever la dalle.

La planète Terre étant elle aussi un milieu isolé aux ressources limitées, en consommer bien plus qu’elle ne peut en fournir, plus vite que ce qu’elle peut régénérer, tout en détruisant les conditions naturelles de sa prodigalité, est une aberration mortifère. Un gamin de dix ans comprendrait ça, et l’initiative « pour la responsabilité environnementale » ne dit rien d’autre : fondée sur des faits implacables, elle relève du pur bon sens. Mais pour le Gouvernement, la droite et sans doute une majorité de citoyens, elle est « irréaliste » car elle nuirait à l’économie, à la consommation et au confort.

Les abrutis suicidaires ont donc encore de beaux jours devant eux, youpi, en attendant la dèche ultime. A moins bien sûr que Jésus revienne divulguer son truc pour multiplier les pains et les poissons, et tout le reste des ressources vitales en sus : ça, au moins, c’est une hypothèse réaliste !

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