Les mauvaises questions

Depuis l’ouverture du nouvel Espace de consommation sécurisé à la Riponne, en plein centre-ville de Lausanne, les toxicomanes génèrent de plus en plus de nuisances, au point que les riverains sont excédés et demandent une réaction des autorités. Si on peut s’interroger sur l’opportunité d’ouvrir une telle structure en plein centre, et sur la gestion du chaos engendré, il ne faut pas que cela occulte le fait que ces espaces améliorent considérablement la situation en matière de santé communautaire. On ne doit jamais l’oublier : les toxicomanes sont des malades, avant d’être des indésirables qu’on veut cacher sous le tapis. Par ailleurs, si le problème est particulièrement aigu à Lausanne, il touche aussi de plein fouet Genève, Vevey, Yverdon et de nombreuses autres villes de Suisse et d’ailleurs. Comme le dérèglement climatique, la consommation de drogue est un problème mondial.

Or, ce qui est frappant quand on aborde ces problématiques, c’est qu’on discute toujours des conséquences et jamais des causes. Pourquoi un nombre croissant de personnes se droguent-elles ? L’image choquante du marginal qui défèque en pleine rue a le pouvoir de nous détourner de cette vérité qu’on préfère ignorer : la drogue est présente à tous les niveaux dans notre société, depuis le travailleur de force qui l’utilise pour supporter la pénibilité de sa tâche, jusqu’au cadre supérieur qui n’a plus ni week-ends ni vacances. Pour un pauvre type qui craque et finit dans la rue à ramper dans son vomi, combien d’autres forçats qui s’accrochent à leur job absurde par la seule force des produits dopants, au nombre desquels les médicaments et l’alcool, qui pour être légaux n’en sont pas moins nocifs ?

C’est le monde entier qui est malade. Les « tox » de la Riponne ne sont que le symptôme d’un mal plus profond dont personne n’est à l’abri. Et qu’on ne réglera pas en déplaçant les drogués dans des lieux moins fréquentés. Mais en empoignant le problème des inégalités.